Dans la France des XIVe et XVe siècles, la procédure criminelle inspirée par le droit pénal romain se fonde sur l’aveu. Pour l’obtenir, la justice utilise la torture judiciaire. Cette pratique, strictement codifiée, instaure une sorte de normalisation de la question. En bannissant ce qu’ils considèrent comme des excès - délicat euphémisme ! -, les juges finissent par mettre en place une torture qualifiée de "disciplinée" qui aura cours jusqu’à la Révolution.
Cette vérité qui s’extorque au prix de la souffrance des corps et des esprits est au cœur du travail de Faustine Harang. En exploitant le fonds documentaire de la série criminelle des archives du parlement de Paris, elle montre comment on passe subrepticement de la torture judiciaire à la torture politique qui connaîtra, elle, une longue postérité.
Ce travail tiré d’une thèse - d’où certains passages pentus - apporte de nombreux renseignements sur les conditions, les lieux et les techniques de ces atrocités réglementées. Faustine Harang fournit même une typologie des crimes passibles de la géhenne. Ainsi un voleur d’une simple pièce de toile est soumis à ce procédé tout comme un lépreux soupçonné d’avoir empoisonné un puits.
Dans l’ensemble du système judiciaire médiéval, cette pratique finalement réduite est surtout destinée à faire peur. Les juges saisissent la fragilité du processus dans la quête de vérité. D’ailleurs, le prévenu qui résiste aux supplices est souvent condamné. Faustine Harang ne juge pas cette quête de la vérité par le tourment. Son livre pousse en revanche à s’interroger sur la représentation que la justice se faisait d’elle-même. L. L.