3 mars > Roman France

C’est la Paule Constant d’Ouregano (son premier livre, paru en 1980 chez Gallimard), qui revient ici à son inspiration originelle, celle de l’Afrique de son enfance. Avec un roman qui commence de façon gaie, par la peinture d’une petite tribu, les Boutouls, des chasseurs-cueilleurs qui vivent de façon très traditionnelle sur les bords d’une rivière. L’héroïne se prénomme joliment Olympe, elle a 7 ans. Libre de ses mouvements, elle est au plus près de la nature, des animaux. Comme ce bébé chauve-souris qu’elle adopte un jour et tente d’élever. Au village, Olympe, on ne sait trop pourquoi, passe un peu pour un bouc émissaire, la seule de sa famille, la seule fille aussi, tandis que ses frères, Achille, Léonide, et les petits derniers, Emile et Hector, sont mieux considérés. Tout cela ne serait que bénin si, rapidement, un sort cruel ne venait à frapper.

Il y a d’abord la mort, accidentelle, de la petite chauve-souris, qu’Olympe écrase sous son pied, sans le vouloir bien sûr. Il y a surtout cette dramatique tromperie des jeunes mâles de la tribu. Partis à la chasse, ils rapportent triomphalement au village le cadavre d’un énorme gorille, un de ces silverbacks qui vivent encore alentour, de plus en plus rares à cause du braconnage. Tout le monde se partage la viande, abondante et savoureuse. Mais, en fait, les chasseurs n’ont pas tué eux-mêmes le primate, ils l’ont trouvé déjà mort, et non seulement passablement faisandé, mais en plus porteur d’un virus dont le nom est devenu depuis aussi connu que redoutable : Ebola. Celui-là même de la rivière qui baigne le village des Boutouls. Et c’est ainsi que naît une épidémie.

Tandis que Docteur Désir, le colporteur businessman, acquiert la peau (contaminée) du gorille pour en faire un trophée lucratif, Agrippine, médecin belge, vient prêter main-forte aux sœurs de la mission, et préconise une campagne de vaccination. Contrairement à Virgile, un jeune normalien, petit-fils d’un médecin-général de la coloniale, partisan des médecines traditionnelles. Faut-il ou non vacciner ? Tant pis, Agrippine agit. Mais trop tard. La famille d’Olympe est touchée, puis le roman vire à l’hécatombe. Virgile, quant à lui, rescapé, rapportera le virus à Paris.

Avec son habituel talent de conteuse, Paule Constant signe un roman très actuel, "environnemental". Sans poser à la spécialiste, elle y traite de déforestation à cause de la culture intensive de l’hévéa, de désinsectisation, d’épandage, de braconnage… De la fragilité humaine face aux fléaux naturels. Le style est nerveux, sans gras, non sans une pointe d’ironie. On est au plus près de l’Afrique réelle, décapée de tous les clichés. J.-C. P.

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