A quoi peut bien penser un chat toute la sainte journée ? Aux souris, pardi ! Sa tête en est truffée. Il y a celle qui craint la moquette, celle qui oublie le nom des acteurs, celle qui connaît tous les aéroports du monde… Parfois le chat les voit dans le détail, et parfois, quand il est mal embouché, elles sont estompées "comme si elles faisaient des inhalations". D’autres fois encore, il en voit une ribambelle. Trente-trois qui dansent la polka ou encore vingt-sept "faisant la queue pour acheter les fameuses bottes anti-pluie du Dr Knapp". Un peu perché, ce chat, tout de même… Quand ses amis lui proposent d’aller à la pêche, il rétorque qu’il doit songer à ses souris. Un tantinet philosophe, il se dit : "Si je ne les pense pas, qui le fera ?" Pffff, sûrement pas ses amis dilettantes ! Cependant, dans le lot de ses fantasmes, il y a un lièvre : la souris qui n’existe pas. La plus obsédante de toutes. Un beau jour on sonne à sa porte. C’est elle, celle qu’il a tant attendue. Tout de suite il l’identifie, bien qu’elle ait "quatre pattes, deux oreilles, des moustaches, un museau pointu et bien entendu une queue". L’idéal est parfois à portée de pattes : c’est la leçon de philosophie qu’administre tout en sourire cet album. Le dessin de Lisa D’Andrea est à la fois doux et drôle. La bouille du chat obsessionnel et sa gamme de mimiques sont impayables, et le catalogue des souris croquignolet. Comme ces quatre-vingt-huit adorables rongeuses en cirés identiques, toutes coincées sur une même page, alors que le voisin chante Singin’ in the rain. Irrésistible. Fabienne Jacob