Si l’on considère Les méditations métaphysiques ou La métaphysique des mœurs comme des romans, et Descartes ou Kant comme les goncourables de leur temps, alors, en effet, Comme un chant d’espérance est bien le nouveau roman de Jean d’Ormesson. Sinon, si l’on s’en tient au texte, il s’agit plutôt d’un traité philosophique, d’une méditation métaphysique, justement, sur Dieu, la vie, la mort, l’être et le néant, d’une sorte de prolongement de l’avant-dernier chapitre de son livre précédent, Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit, paru chez Robert Laffont en 2013 et gros succès en librairie.
Habile dialecticien, l’académicien, qui se souvient qu’il est normalien et philosophe, revendique le droit d’écrire un "roman sur rien", en adepte assumé de la théorie de "l’art pour l’art", en disciple de Flaubert et du Gide de Paludes. "La littérature se suffit à elle-même", n’est-ce pas ? Mais le rien de Jean d’Ormesson est ancien, il remonte au big bang et à ses quatorze milliards d’années, aux quarks et aux quanta, à cette vertigineuse mécanique des particules qui rapproche ou oppose scientifiques et croyants, selon leurs idées. C’est aussi un néant très peuplé, grâce au Créateur, si l’on y croit.
Car le sujet et personnage principal de Comme un chant d’espérance, c’est Dieu, "un joueur invétéré" qui, "s’il existe, est esprit" et "mystère". Mystère, surtout, vu par l’homme, l’autre protagoniste de cette histoire. Cet homme, comme Jean d’Ormesson qui a senti récemment le souffle de la Faucheuse passer tout près de lui, qui espère quand même qu’il y a quelque chose après la mort, parce que sinon, tout serait trop absurde. Et qu’il "préfère le mystère avec Dieu à l’absurde sans Dieu".
Avec son talent si personnel, l’écrivain a l’art de simplifier les choses les plus complexes. Le lisant, on se retrouve transporté à la Renaissance ou à l’époque des Lumières, où l’on débattait entre beaux esprits de sujets fondamentaux. Mais Comme un chant d’espérance est aussi un livre émouvant, qui s’achève sur une célébration de la beauté du monde, sa lumière, dons de Dieu à tous les charbonniers, pour peu qu’ils aient la foi. Jean d’Ormesson est de ceux-là.
J.-C. P.