Chaque volume de la collection "Traits et portraits" du Mercure de France est unique. A l'image de ces meubles d'autrefois que fabriquaient les maîtres ébénistes. Des cabinets de curiosités, semainiers ou secrétaires à tiroirs, dont le concepteur, seul, décidait du nombre, de ce qu'il y dissimulait, et à qui il en confiait les clefs. Un art où Diane de Margerie est experte : celui du secret, de l'énigme, du mystère, dissimulé sous les apparences de l'autoportrait, voire de la confidence.
Composant Passion de l'énigme, un peu à la manière d'une fugue de Bach, Diane de Margerie n'en est pas à son coup d'essai. Elle a déjà publié deux récits autobiographiques, Le ressouvenir (Flammarion, 1985) et Dans la spirale (Gallimard, 1996). Le premier ayant reçu le prix Marcel-Proust, ce qui ne saurait être un hasard : Diane de Margerie a aussi consacré deux livres à Proust et à son "jardin secret ». L'auteur de la Recherche fait partie de ses favoris, avec Conan Doyle, qui, toute petite, lui a donné la passion de l'investigation, des faits divers et des procès, De Quincey, ou encore Moravia, dont elle fut l'amie. Un univers littéraire très homogène.
Ce qui l'est moins, volontairement, c'est la façon dont procède Passion de l'énigme. Par associations d'idées, télescopages et comme au fil de la conversation, sachant que l'auteur pose dès l'abord comme axiome son horreur des dates, de toute chronologie. En parfaite proustienne, elle évoque sa famille : son père Roland, surtout, dont elle prépare la parution des Mémoires, restés inédits depuis sa mort en 1990, lequel avait connu Segalen. C'est à ce père diplomate que Diane doit son enfance cosmopolite : Pékin, Shanghai, Rome, Berlin... Elle regrette surtout de ne l'avoir que mal connu, qu'ils ne se soient jamais vraiment parlé.
Convoqués aussi, mais fugacement, Bertrand, le frère aîné devenu jésuite, Henriette Fabre-Luce, la grand-mère maternelle, amie de Maupassant et de Morand, ou encore son premier mari, le prince italien P., qui possédait une villa sublimement décatie à Sorrente et le pape Innocent XII parmi ses ancêtres ! Sur la suite : pas un mot. On n'est pas là pour se raconter, mais plutôt pour se regarder raconter.
L'exercice est brillant, très intellectuel, parfois décousu. Ainsi qu'en témoigne l'iconographie, minimaliste, qui scande le livre, Diane de Margerie n'a pas vidé tous les tiroirs de son meuble à secrets.