15 novembre > BD France

Photo C. GAULTIER ET M. LE ROY/LE LOMBARD

De Paul Gauguin (1848-1903), on sait déjà l’essentiel. Mais pour Maximilien Le Roy, on a trop cantonné l’œuvre du peintre au « mythe exotique du “bon sauvage” ». Loin de cette image d’Epinal, le scénariste de Gauguin : loin de la route préfère montrer « le pourfendeur résolu de l’idéologie coloniale, impérialiste et religieuse de son époque ». Saisi dans les deux dernières années de sa vie, alors qu’il a quitté Tahiti pour la petite île d’Hiva Oa, l’« ogre d’égoïsme et de sublime » restitué par Maximilien Le Roy et Christophe Gaultier, au dessin, est un jouisseur et un travailleur acharné. C’est aussi un militant, fût-ce en solo, brandissant le code civil pour inciter les Polynésiens à ne pas placer leurs enfants « dans l’école des curés et des colons », qu’il provoque à toute occasion, s’affrontant sans cesse aux gendarmes.

Les deux auteurs procèdent par une double approche, entrelaçant des tranches de la vie quotidienne du peintre avec l’enquête à laquelle se livre le poète, écrivain, médecin et voyageur Victor Segalen, en visite à Hiva Oa quelques mois après sa mort. Elle fait émerger autour d’un Gauguin aigri et fatigué, rongé par la maladie et l’alcoolisme, les figures de l’énigmatique et fidèle ami Ky Dong, des compagnes Tohotaua ou Marie-Rose, de la délaissée Sara ou encore du vieux Tioka. Traversé par une violence sourde, et par les éclairs de génie du peintre, toujours inspiré, l’album combine avec une belle énergie la vitalité poétique et une infinie mélancolie.

Fabrice Piault


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