La guerre en ex-Yougloslavie est le cœur bouillonnant des nouveaux romans que signent Etienne de Montety et Jean Hatzfeld sous la couverture blanche de Gallimard. Dans La route du salut, elle permet aux protagonistes de se rencontrer, alors que dans Robert Mitchum ne revient pas, elle les sépare. Avec maîtrise, le directeur du Figaro littéraire met tour à tour en scène deux hommes qui font la guerre pour des raisons différentes : Joss Moskowski et Fahrudin Hamzic. Garçon au look de bad boy londonien, à l’air sauvage et aux manières brutales, Joss a grandi dans la périphérie de Troyes avec des parents communistes. Jeune homme, il a fumé du shit, écouté du punk, regardé à la télévision le concert de soutien à Nelson Mandela et entendu parler d’une possible union de l’Europe.
Un ami musulman lui a ensuite ouvert d’autres horizons. Ce qui l’a amené à rejoindre une organisation dont les militants sont barbus, à quitter Paris, passer par l’Autriche et la Slovénie. A se rebaptiser Bilal « pour la grandeur d’Allah ». A croire qu’en Bosnie l’islam vaincra par les armes… Quant à Fahrudin, il a vécu jusqu’à l’âge de 10 ans dans un petit village de montagne en Bosnie avant de s’installer en France, à Rouen, où il est devenu serveur dans un bar. Avant qu’il ne se décide à entrer dans la Légion étrangère et ne parte retrouver un pays transformé en un « échangeur routier », en une « ruche ». Pays où il va rejoindre le front à la tête d’un commando chargé d’effectuer des coups de main chez l’ennemi…
Ancien journaliste de Libération, Jean Hatzfeld, lui, est à son meilleur quand il entraîne le lecteur sur les pas de Vahidin et Marija. Ils sont fiancés, habitent à Ilidza dans la banlieue de Sarajevo, portent les trois couleurs de l’équipe yougoslaves : rouge, bleu, blanc. A quatre mois des jeux Olympiques de Barcelone, ces deux athlètes de haut niveau qui pratiquent le tir de précision ne tiennent plus en place. Mais à Sarajevo, bombardements et coups de feu démarrent. A la radio, on parle de massacres dans la région de Focan sur la Drina.
Vahidin est musulman, Marija serbe. Venu à Sarajevo où il a raccompagné sa mère et ses sœurs, Vahidin s’y retrouve bloqué. Son ami Safet veut l’enrôler dans une brigade et lui demande de l’aider à lutter contre les snipers serbes. Alors que Marija se voit mandatée de son côté pour tenir à distance, en ligne de mire, les musulmans, et reste avec leur chien, Robert Mitchum, dont le long museau noir respire la malice… De manière très différente et complémentaire, Montety et Hatzfeld proposent chacun un regard et une plongée dans la guerre. Avec sa folie meurtrière, le rythme qu’elle impose, sa manière de coloniser ceux qui la font ou la subissent. Al. F.