Irina Teodorescu, auteure d’origine roumaine qui écrit en français, avait enthousiasmé à la rentrée 2014 avec un premier roman, La malédiction du bandit moustachu. Changement de registre avec Les étrangères, qui suit l’amour fou de deux filles entre Bucarest et Paris.
La première partie de ce roman en trois temps s’attache à l’enfance, dans les années 1980, de Joséphine Zandana, née de père roumain et de mère française. Elle vit dans la Bucarest communiste et passe ses vacances en France. La fillette à la double origine, étrangère partout, à qui un oncle a conseillé "de ne jamais raconter ce monde-ci à ceux de ce monde-là", devient quelques années plus tard, à Paris où la famille s’est installée après la catastrophe de Tchernobyl, une adolescente indocile qui, aux épreuves du bac, présente des photos en guise de copies. Geste transgressif qui inaugure une fulgurante carrière de photographe. Mais revenue vivre à Bucarest après la chute du régime de Ceausescu en 1989, devenue une artiste riche et célèbre, Joséphine s’ennuie, jusqu’à la rencontre avec la ronde et brune Nadia, une adolescente de 17 ans, danseuse qui veut devenir chorégraphe. Pendant six ans, ces deux singulières vont vivre une passion exclusive, collées l’une à l’autre. Avant que Nadia, la "souveraine", fille ardente et farouche, ne fuie à Kalior, une ville magique au bord d’un fleuve.
On retrouve, comme dans le premier roman, une fantaisie mi-candide, mi-grave, des motifs empruntés à l’imaginaire des contes : Joséphine désigne ses parents comme "papa ours" et "maman ours". Décide de se faire appeler Aladin après avoir ouvert le flacon de "parfum sucré" de sa professeure de violon, son premier amour. Et une nouvelle fois, Irina Teodorescu fait montre d’une entraînante énergie narrative. V. R.