Elle a vécu son enfance à Belleville, où ses parents juifs polonais arrivés dans les années 1930 tenaient un commerce. Aujourd’hui, elle vit près de la gare Montparnasse. Entre-temps, il y a eu la vie, les études, les voyages, d’autres villes comme Berlin, Montréal ou New York. Mais Paris restera toujours Paris. Enfin, c’est ce qu’on dit. Car est-ce bien vrai ? « J’aime Paris d’un amour malheureux », nous dit l’historienne et sociologue Régine Robin. La lumière de la ville est devenue tamisée pour ne pas déranger les bobos qui n’acceptent plus que les fêtes encadrées par la municipalité. Le populaire a depuis longtemps traversé le périphérique pour fuir un Paname trop cher en voie de « gentrification ». « Je suis anéantie par les dispositions qui, sous des dehors conviviaux, écolos, prêchent la mort de Paris. »
C’est peut-être cela la solution : supprimer cette barrière routière, cette fortification symbolique qui coupe les Parisiens de leur banlieue. Régine Robin est allée y voir. Elle a quitté cette ville conservatoire, cette cité musée pour rêver de ce Grand Paris qui se dessine déjà. De ses déambulations, elle a tiré cet essai en forme de petit traité d’urbanisme et de démographie où les références se nomment Perec, Réda ou Caillois, où les lignes de fuite sont illustrées par les cinéastes de la nouvelle vague ou Woody Allen.
La nostalgie n’est qu’un murmure. Mais il faut prendre garde que la petite musique ne devienne entêtante, comme ces parfums trop capiteux. Ici, pas de danger. Régine Robin aime sa ville pour ce qu’elle lui dit aussi d’elle-même, pour cette forme qui continue de changer. Paris est à la croisée des chemins. La capitale du XIXe siècle célébrée par Walter Benjamin n’a pas encore trouvé sa place au XXIe, mais rien n’est perdu. C’est pourquoi elle franchit le périphérique, pour y trouver un possible réenchantement. Pour elle, Paris doit s’agrandir pour grandir dans les esprits et renouer avec l’imaginaire, avec ces flâneries dans les rues de Montmartre où les noms semblent être des titres de romans de Modiano. Allée des Brouillards… L. L.