A la parution l’année dernière de Lovesong, Phébus présentait fort justement Alex Miller comme « le romancier par excellence du sentiment amoureux ». C’est une autre histoire lancinante de trio amoureux que l’on découvre aujourd’hui dans Autumn Laing.

La vieille femme décharnée qui prend la parole lorsque s’ouvre le livre a vu le jour en 1906. Gabrielle Louise Ballard a été rebaptisée Autumn par son oncle Mathew. Oncle qui lui a appris que tout le monde naît avec un don même s’il ne l’utilise pas. Voici une dame qui a toujours été indifférente au pourquoi des choses. « C’est ce qui arrive qui importe, et non pourquoi c’est arrivé », clame-t-elle.

Autumn se nourrit presque exclusivement de choux. Elle fume et boit trop, vit seule avec son chat Sheridan, dit Sherry. Lorsqu’elle croise dans la rue Edith Black, elle ne peut s’empêcher de revenir en arrière. Décide d’écrire ses Mémoires et de parler de l’époque où elle avait 32 ans, la peau lisse et les cuisses nacrées. Quand elle était mariée avec Arthur, un avocat qui roulait en Pontiac et qui était son refuge.

C’est Arthur qui lui a présenté l’homme qui a changé son existence. Le peintre Pat Donlon dont le Dieu était Rimbaud. Un artiste irlandais persuadé d’avoir de l’intuition, mais de manquer de profondeur. Pat, lui, était marié avec Edith Black, artiste peintre poursuivant sa « noble quête de la tradition », alors qu’ils étaient « des opposés ». Le bougre n’avait rien trouvé de mieux que de vomir dans la cuisine d’Autumn le soir de leur première rencontre. On sait qu’il est mort en Angleterre en prononçant son nom…

A le lire, on ressent dans l’œuvre d’Alex Miller l’influence bénéfique du naturalisme français et notamment celle de Maupassant, le Maupassant fiévreux d’Une vie. L’Anglais émigré en Australie à l’âge de 16 ans parle ici de culpabilité et d’amour fou tout en s’interrogeant sur l’art et ses créateurs. Feutré, sensuel et habilement construit, Autumn Laing met en scène le bouleversant destin d’êtres à part, décalés, qui bataillent avec les émotions et leurs démons. Al. F.