Quelques mois après leur création, les éditions La Doux, cofondées par Sophie Chanourdie et Karine Leclerc, affirment leur identité singulière. Intégrée au groupe Les Nouveaux Éditeurs (LNE) d’Arnaud Nourry, la structure combine ambition éditoriale, approche collaborative et variété de formats pour nourrir un catalogue qui se veut à la fois exigeant et accessible.
Ainsi, si la Doux est l’unique maison spécialisée en jeunesse au sein de LNE, elle est aussi la plus prolifique. Jeunesse oblige – les petits prix du segment imposent un rythme de production plus soutenu –, elle compte déjà une douzaine de titres parus ou à paraître d’ici janvier. En attendant que se mette en place le rythme annoncé d’une quarantaine de nouveautés par an, dont une majorité seront des créations originales : albums, livres d’éveil, bandes dessinées, romans, poésie, ouvrages hybrides…
Volontiers éclectique, le catalogue empruntera tous les chemins possibles. En avril quand elles ont lancé leur maison, Sophie Chanourdie et Karine Leclerc n’imaginaient pas de déjà créer une collection. Elles ont changé d’avis : si les projets singuliers restent leur axe principal, elles ouvrent finalement la porte à des lignes éditoriales sérielles, comme la future collection « Merveilleux », dès l’année prochaine. L’idée de cette dernière s’est imposée suite au bon démarrage de l’album Merveilleux caca, de Mathis, déjà vendu à 2 000 exemplaires ; ses titres aborderont des sujets souvent réservés au documentaire sous un angle insolite. « On ne crée de collections que si c’est pertinent », tiennent cependant à préciser Sophie Chanourdie et Karine Leclerc.
Formats originaux
La Doux a aussi accueilli le collectif d’écrivaines « Plurielles », formé par Stéphanie Pèlerin, Sophie Noël et Alexandra Koszelyk. Les trois autrices ont signé des romans young adult dont les histoires, qui peuvent se lire séparément, se répondent les unes les autres. Autre format original, Même l’hiver a des airs de caresse, paru le 15 octobre, propose 24 poèmes de l’Avent de Marion Fritsch dans un livre non massicoté, mis en image par Hadrien.
Avec Jeanne Lemercier, jeune éditrice embauchée dès leur lancement, Sophie Chanourdie et Karine Leclerc ont trouvé chez LNE un « cadre d’émulation collective » qui les ravit. « Ici nous sommes comme des cousins au sein d’une même famille », se réjouissent-elles. Alors même que les synergies entre structures sont encouragées, des passerelles se dessinent, notamment autour de la bande dessinée avec Point Nemo et Morgen, créant un pôle informel autour de ce segment. Les trois maisons réfléchissent à aller ensemble au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême.
Résidences, incubations et création collective
Ces rapprochements n’empêchent pas La Doux de cultiver sa singularité par une approche collaborative du travail éditorial. La maison a fait de l’organisation de résidences d’auteurs l’un de ses axes stratégiques. Dès mars dernier, elle en a organisé une au Moulin de La Doux, en Corrèze. Le lieu a été transformé en espace de création, en lien avec le tissu associatif et éducatif local. Ce modèle a depuis été reconduit au début de l’automne avec un second groupe d’artistes.
« En cinq jours, on investit du temps et du budget qui nous nourrissent énormément et qui créent de la valeur », résument les fondatrices. Ces résidences permettent non seulement d’accélérer la production des projets – l’album Merveilleux caca ou la BD Draculours de Bérangère Delaporte y ont été finalisés –, mais aussi de créer une relation organique entre auteurs et éditeurs, rare dans le secteur.
Esprit start-up
Le Moulin de La Doux ambitionne également d’incuber d’autres créateurs, notamment des podcasteurs, des journalistes ou des producteurs audiovisuels. Si la dimension audiovisuelle n’a pas encore été activée, elle fait partie des projets de développement à moyen terme.
Les conditions offertes par LNE permettent à La Doux de se projeter plus sereinement dans l’avenir. « Il faut cinq ans en moyenne pour installer un catalogue, concluent Sophie Chanourdie et Karine Leclerc. En 2030, nous espérons que cet objectif sera atteint et que nous aurons davantage de ressources éditoriales. Mais nous souhaitons aussi conserver cet esprit start-up et enthousiaste. »