Les faux littéraires sont de trois natures. Il existe d’une part d’habiles pasticheurs, ayant réussi à tromper éditeurs et critiques. Cette catégorie comprend aussi bien des textes « inédits » de grands auteurs décédés. C’est ainsi que Les Silènes , publié en 1926 sous la signature d’Alfred Jarry, près de vingt ans après sa mort, est vraisemblablement l’œuvre de Pascal Pia. Celui-ci a été également mêlé à la fameuse Chasse spirituelle , attribuée un temps à Arthur Rimbaud. Face à une telle situation, l’absence de manuscrit permet assez vite d’étayer les suspicions. Jean-Jacques Lefrère, notre grand rimbaldien, vient d’ailleurs de signer une postface de 266 pages au texte de la fameuse Chasse (Léo Scheer, 25 euros) . Edition à laquelle il a joint, en plus d’une sorte d’immense chronologie commentée de la bataille littéraire, tout ce qu’il a pu « retrouver, autour de Rimbaud, en fait de pastiches, parodies, imitations, écrits attribués et contrefaçons ». Certains sont « remarquables », tandis que d’autres « ne rutilent pas au zénith de la poésie ». Plus délicate est l’hypothèse de l’écrivain inventé de toutes pièces, tel Julien Torma, créature issue de l’esprit de pataphysiciens. Toutefois, là encore, la multiplicité des intervenants au fil des années permet de les confondre aisément lorsqu’il s’agit de se pencher sur les manuscrits, voire sur les tapuscrits. Reste le cas du faussaire professionnel cherchant à tirer un profit pécuniaire de son habileté. Le plus extraordinaire mystificateur littéraire, Vrain-Lucas, a ainsi fabriqué, de 1861 à 1869, plus de 27 000 fausses lettres pour le mathématicien Michel Chasles, collectionneur enragé, membre de l’Institut, et auteur d’un théorème fameux. Les preuves apportées à son procès étaient éloquentes : les lettres de Cléopâtre à Jules César, de Charles Martel au « duc des Maures », de Rabelais à Luther, de Jeanne d’Arc, de Charlemagne, de Pascal au « jeune Newton », étaient toutes rédigées en français pseudo-ancien et sur des papiers similaires, plus ou moins vieillis pour l’occasion. Vrain-Lucas s’en tira avec un séjour de deux ans en prison. Rappelons à tous les plaisantins littéraire que, à l’heure actuelle, aux termes du Code pénal, « c onstitue un faux toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ». Et l’article L. 4412-1 de préciser que « Le faux et l'usage de faux sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. »