Nettie, la soixantaine, est veuve depuis peu et vit seule dans un appartement de la périphérie d’Amsterdam. A l’exception de quelques mois passés dans l’enseignement, elle n’a jamais travaillé, élevant quatre enfants désormais adultes. Afin de tromper le chagrin du deuil, elle passe une annonce pour proposer ses services comme lectrice professionnelle. Une histoire du soir, avant de dormir, voilà l’idée. « Intentions sexuelles totalement exclues », précise-t-elle. Et pour ce métier de « bordeur de lit », de « diseur de bonne nuit », des honoraires fixés au cas par cas.

Auteure de la trilogie à succès autour de La maison des dunes, la Néerlandaise Vonne van der Meer épouse la voix douce de son héroïne-marchande de sable. Celle-ci tient un journal où elle consigne cette nouvelle vie organisée autour d’une activité moins innocente qu’elle n’y paraît. Avec une rondeur pleine d’empathie, la discrète et maternante Nettie recueille en effet les confidences et pénètre l’intimité de ses clients (de ses patients, pourrait-on presque dire, car tous présentent des troubles du sommeil), s’adapte à leurs demandes : si l’expérience de lecture de Crime et châtiment dans la chambre de l’intrigant Mr Zwaardvis reste sans suite, Nettie apprend à apprivoiser Olivia, l’hôtesse de l’air divorcée du jeudi soir, qui lui a confié ses clés et demande des berceuses. Mais elle est aussi troublée par Mike, le célibataire au chômage depuis peu qui souhaite qu’on lui raconte de courtes histoires d’amour. Avec Renée, la fillette de 11 ans qui ne veut plus aller à l’école, la lectrice joue à « la malle à déguisement des histoires » : « Je devais d’abord raconter quelque chose, un souvenir ou une expérience récente, ensuite elle tentait d’en faire une histoire. Puis nous inversions les rôles. » Eloge au pouvoir liant et rassurant de la lecture, La femme à la clé mêle des récits inventés et des livres puisés de la bibliothèque de la romancière. Véronique Rossignol