Il s’appelle Jacques, c’est un homme qui s’en va. Un homme qui a perdu le goût de vivre ou, aussi bien, ne l’a jamais eu. Il lui reste une semaine. Une semaine, et puis salut la compagnie… Une semaine à être certain de n’avoir rien oublié, s’assurer d’emporter avec soi le regard d’une femme que l’on n’a pas su aimer, payer une dernière tournée dans trop de rades de trop de nuits parisiennes, revoir son école, la ville morte, Libourne, où tout peut-être a commencé à aller de travers, voir qu’à personne la vie n’a fait de cadeau. Et puis partir donc, dans l’automne, puisque l’on n’a pas été aimé. Ce n’est pas forcément mieux ainsi, mais c’est plus net.
Ce Jacques qui s’efface peu à peu est le héros d’Octobre, le troisième roman d’Oscar Coop-Phane (après les très remarqués Zénith-Hôtel, prix de Flore 2012, et Demain Berlin (2013), réédité en même temps dans "La petite vermillon" de La Table ronde). C’est une histoire d’aujourd’hui si tant est que la tristesse des hommes puisse être datée. Lorsqu’elle fut écrite hier, c’était par Drieu la Rochelle, Le feu follet, et Jacques alors s’appelait Alain. Coop-Phane nous livre de ce chef-d’œuvre matriciel du versant noir de la mélancolie une version non pas vulgairement "modernisée" (il aurait du mal, tant il semble que, de Bove à Dabit en passant par le Martinet de Jérôme, auquel il rend ici un hommage explicite, son écriture ne puisse se nourrir qu’à l’encre du passé), mais investie d’une identique douleur. Il suffirait d’un rien pour que cela vire au kitsch. Est-ce un exercice de style, alors ? Peut-être, mais délivré par l’un des plus prometteurs stylistes de ce temps. Qui sait que le style seul permet à la mort et aux livres d’échapper à ce qu’ils sont autrement. Rien. Des arbres abattus.
Olivier Mony