24 AOÛT - BD Espagne

Photo JORGE GONZALEZ/DUPUIS

Remarqué il y a deux ans pour Bandonéon, superbe récit d'initiation et parabole sur l'Argentine à travers le tango, également publié par Dupuis, revoici Jorge González. Le dessinateur argentin, installé depuis quinze ans en Espagne, revient sur ses terres natales pour un hommage ambigu à la Patagonie. Glissant de la Terre de Feu à la province de Chubut, étageant son récit sur près d'un siècle, d'une dramatique chasse à l'Indien en 1888 jusqu'au début des années 1970 où le pays vit au rythme des sitcoms à l'eau de rose, il livre une évocation puissante de ce territoire désolé et de ses mélancoliques habitants.

Car Jorge González ne prétend pas boucler une histoire cohérente de bout en bout. Sur le plan narratif comme sur le plan graphique, il s'exprime par bribes qui viennent peu à peu s'assembler - ou pas - pour former un ensemble mouvant et indistinct, fait de trajectoires individuelles, d'aléas climatiques, de rêves ou d'événements fortuits. Chère Patagonie est d'abord une respiration, un souffle qui traverse le brouillard et la bruine pour embrasser tour à tour colons et Indiens mapuches, Patagons de souche ou d'adoption.

Des ocres assourdis et des gris qui composent la palette du dessinateur émergent cependant des silhouettes qu'on retrouve par-delà les décennies après les avoir crues perdues. Il y a Taylor, cow-boy sans états d'âme, reconverti en aubergiste contemplatif ; le flegmatique cacique Maniqueque ; Karl et Alicia, un couple d'Allemands échoués dans l'improbable village de Facundo dont il tiennent le magasin général ; puis leur fils Julian, qui rêve de la ville et de la modernité ; ou encore Roth, un autre Allemand, en repérage pour un film ethnographique. Jorge González fait du ballet alangui de leurs rencontres un puzzle aux possibilités multiples mais rarement développées sur un territoire qui semble transformer en plomb les semelles de tous ceux qui le parcourent.

Les dernières
actualités