Coup de gueule

" Quand nous avons appris notre nomination aux Prix d'Angoulême 2021, nous en avons d'abord sincèrement remercié le jury de sélection. Avant de préciser aussitôt que nous n'irions pas à la cérémonie de remise des prix. Pourquoi ? Nous avons simplement rappelé notre engagement public exprimé lors de la cérémonie 2020. Nous avions alors demandé aux auteur/trice.s de BD qui le voulaient de nous rejoindre sur scène - pour manifester notre mécontentement collectif face à une dégradation ahurissante de nos conditions de vie. Nous avions tous les deux conclu notre discours par cette promesse : « Nous ne reviendrons plus à Angoulême. Ni en 2021, ni les années suivantes. Aussi longtemps que la situation des auteurs et autrices ne s'améliorera pas de manière visible. » Nous appelions alors à une véritable refonte du milieu du livre. Pour simplement permettre à ceux et celles qui en sont les principaux contributeurs de gagner décemment leur vie.

Gwen de Bonneval- Photo FRANTOGIAN/CC BY-SA 3.0

Malheureusement, cet appel a été largement noyé par la Covid et ses suites. Mais il reste - hélas - d'une actualité criante. À cette heure, ce sont plus de 50 % des créateurs de BD qui sont sous le seuil de pauvreté. Et nombre d'entre eux se débattent avec une réforme maladroite et kafkaïenne de leur statut social.

Disons-le clairement. À nos yeux, cette pandémie n'est pas une excuse pour repousser à plus tard les rééquilibrages qui s'imposent. Le Rapport Racine, mais aussi le Snac, la Ligue des auteurs - et la plupart des organismes protégeant le droit d'auteur - ne le demandent-ils pas eux aussi à cor et à cri ? Cette pandémie n'est pas une excuse non plus pour reporter à des temps meilleurs l'institution de modes de fonctionnement plus équitables pour les auteur/trice.s. Il faut tout au contraire profiter de ce momentum pour revoir de fond en comble l'écosystème du livre et appeler à une véritable mue. Comment ? En commençant, pourquoi pas, par repenser nos modes de participation aux festivals les plus importants. En incitant, par exemple, ces derniers à s'inspirer de la Charte des bonnes pratiques sur laquelle travaille le collectif AAA (Auteurs-Autrices en Action). En améliorant nos conditions d'accueil, voire en envisageant que nos dizaines d'heures de dédicaces soient enfin rémunérées. Là où elles ne le sont pas dans l'immense majorité des cas...

Organisateurs d'événements, éditeurs, libraires, syndicats... discutons ensemble, cherchons des solutions pérennes ! Car nous concernant tous les deux- et nous serons de plus en plus nombreux.ses-, c'est à cette seule condition que nous reviendrons à Angoulême, ainsi que dans la plupart des autres festivals."

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