Quand on demande à Florence Ehnuel dans quel rayon de librairie elle souhaiterait que soit présenté son sixième livre, La reformulation empathique, elle réfléchit, un peu perplexe : « Développement personnel » ? Oui, car ça l'est assurément. « Psychologie » ?, aussi. Au rayon « Philosophie », lui suggère- t-on ? Ce serait idéal, mais elle n'y croit pas trop. Car la philosophie qu'aime, enseigne et infuse dans ses livres cette prof de 53 ans est du genre ouverte, pratique et appliquée.
« Une vie plus pleine »
Toute normalienne qu'elle est, elle se souvient qu'elle s'ennuyait dans les cours d'histoire de la philosophie, pleins de théories et de discours objectifs. Raison pour laquelle elle a choisi d'enseigner en lycée plutôt qu'à l'université, non sans s'être malgré tout attelée à une thèse sur Montaigne. Mais précisément parce que c'est « un philosophe très personnel et très littéraire » dont elle admire la capacité à « vivre sa pensée et penser à partir de sa vie ». Cette « manière très concrète de réfléchir » qu'elle applique à ses livres est aussi ce qui l'a conquise chez le psychologue humaniste américain Carl Rogers, dont elle défend et illustre son « approche centrée sur la personne » : une « doctrine, que l'on peut qualifier de philosophie autant que de théorie clinique » qui promeut la « reformulation empathique ». Son dernier ouvrage, sous-titré Comment vous comprendre les uns les autres et vous le montrer, est un manuel à la forme libre où, exemples à la clé et dans le souci de faire « simple et applicable », elle fait l'éloge de cette « ressource », véritable « huile dans les rouages des relations ».
« Dans mon enseignement, je parle pas mal de moi car on enseigne avec ce que l'on est et on incarne ce que l'on sait », note Florence Ehnuel, qui vit enseignement et écriture de façon assez « cloisonnée » mais aussi comme des activités également « épanouissantes ».
Mère de trois filles et d'un garçon et déjà grand-mère, elle vient de faire sa 26e rentrée dans un lycée près de Bordeaux. Auprès de ses élèves, elle dit avoir le sentiment de se sentir utile en transmettant une philosophie pour débutants comme « viatique pour mener une vie plus pleine ». Son métier avait directement inspiré un essai sur le bavardage en 2012, écrit pour provoquer une prise de conscience face à ce « fléau » des salles de classe et qui suggérait des solutions évidemment pratiques, notamment pour apprendre l'écoute et l'attention. « Je pars toujours de moi, de mon expérience, de mon cheminement ». Ce qui la passionne, c'est « l'expression de soi au plus proche ». Depuis L'amour conjugué, qui débutait par cette phrase : « Pour rester fidèle au mariage, j'ai dit oui à l'adultère » et explorait de nouvelles modalités de la vie conjugale, tous ses livres sont traversés par son intérêt pour les formes de communication, de « communion avec l'autre », à travers la sexualité, l'amour et le langage. Y compris son unique roman Saisons russes paru il y a dix ans, une histoire à la première personne mais en réalité une transposition, autour de l'apprentissage sensuel d'une langue étrangère. Néanmoins, constate-t-elle, « Si j'ai eu beaucoup de plaisir à écrire ce livre où je ne parlais pas de moi directement, je ne suis pas trop à l'aise dans l'imagination. Je crois que le roman n'est pas ma forme et pas mon fort », même si elle a dans ses tiroirs le manuscrit d'une deuxième fiction.
Dans La reformulation empathique, Florence Ehnuel salue chez Carl Rogers cet « équilibre rare entre l'affectivité et la rationalité » qu'a su trouver le psychologue « dans sa vie comme dans ses textes ». Et qu'elle recherche elle aussi. A la fin du livre, elle lance un appel à témoignages pour prolonger la réflexion. Bien sûr, elle espère recevoir beaucoup de réponses.
La reformulation empathique : comment vous comprendre les uns les autres et vous le montrer
Anne Carrière
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 17 euros
ISBN: 9782843379468