Yann Arthus-Bertrand, Lucien Clergue, Raymond Depardon, Martine Franck, Dominique Issermann, William Klein, Philip Plisson, Reza, Marc Riboud Sebastiao Salgado ou encore Hans Silvester (et j’en oublie des moins connus ou d’aussi talentueux) viennent de signer une pétition pour lutter contre le fléau des « D.R . ». Le texte soutient une proposition de loi (dénommée « 441 » et déposée par le groupe socialiste du Sénat) afin de faire «  cesser la pratique sauvage du DR, faire payer les usages professionnels des photographies et soutenir financièrement la création photographique en France. En clair, il s’agit d’endiguer la fameuse mention « DR » (ou « droits réservés »)  ». In fine , les intéressés exigent de mettre en place une «  modalité spécifique d’exercice des droits d’auteur sur les photographies dites « orphelines », c'est-à-dire les photographies dont les auteurs n’ont pu être identifiés ou retrouvés après des recherches sérieuses et avérées. » : «  Les sommes ne pouvant pas être réparties à défaut d’identification des ayants droit seront obligatoirement affectées à l’aide à la création et à la diffusion photographique, ce qui apportera un soutien important à ce secteur de la création.  » Doisneau Robert, peu avant son décès avait, par malice, envisagé de réclamer des droits sur chaque photo signée « D. R. », c’est-à-dire de ses initiales. Le texte à l’étude est moins facétieux.   Selon les célèbres pétitionnaires, «  un nombre croissant d'oeuvres visuelles sont exploitées dans l'édition à des fins professionnelles sans autorisation des auteurs ou de leurs ayants droits, au prétexte que ceux-ci seraient inconnus ou introuvables. Ainsi, l'usage de la mention « DR » ou « droits réservés » en lieu et place du nom de l'auteur, se multiplie et se systématise, sans respect des droits reconnus par le code de la propriété intellectuelle, en particulier dans le domaine de la photographie. Certains éditeurs utilisent abusivement cette mention, privant les auteurs de leur droit moral de créateur, et de la juste rémunération de l'exploitation de leur travail  ». L’utopie en forme de proposition de loi consiste à espérer que «  la gestion de l'exploitation des droits attachés à une oeuvre orpheline sera confiée à des sociétés de perception et de répartition de droits spécifiquement agréées à cet effet, par le ministre de la culture, sur une base contractuelle. Aucune cession ne sera accordée à titre exclusif. Les barèmes et les modalités de versement des rémunérations dues pour l'exploitation des oeuvres visuelles orphelines seront fixés par accords interprofessionnels -qui pourront être étendus- ou, à défaut par une commission ad hoc, présidée par un magistrat. Le montant des rémunérations des oeuvres orphelines sera conservé pendant le délai de droit commun de dix ans par les sociétés agréées et, à l'issue de ce délai, si l'oeuvre est toujours orpheline, versé aux actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes. En cas de découverte des détenteurs des droits d'une oeuvre réputée orpheline, une procédure de réversion dans le régime de droit commun de la propriété littéraire et artistique est prévue, accompagnée d'un délai permettant aux titulaires de la cession des droits sur cette oeuvre de se mettre en conformité avec les dispositions de droit commun.  » Une sorte de maquillage candide d'une violation des règles élémentaires de propriété littéraire et artistique Rappelons que l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle attribue à tout auteur, au titre de son droit moral, un «  droit au respect de son nom et de sa qualité  ». Il s'agit là du droit de voir son nom apposé aux côtés ou sur chaque reproduction de son œuvre, d’en être reconnu publiquement comme l’auteur. Bref, pour le créateur, d'image comme de texte, d’un véritable droit de paternité. En clair, la mention « DR » n'est assimilée par la jurisprudence qu'à une sorte de maquillage candide d'une violation des règles élémentaires de propriété littéraire et artistique, faisant croire que de l’argent est réservé dans l’attente d’identifier l’auteur de l’image volée. Par surcroît, une telle formule est bien évidemment révélatrice, dans la plupart des cas, d'une atteinte aux droits patrimoniaux de l'auteur ou de son ayant droit. Lorsque l'auteur d'une illustration n'est pas identifié, il faut, en théorie, se dispenser de l'utilisation de sa création. Le pis-aller, qui n'en est pas moins en pur droit de la contrefaçon, consiste à adresser des lettres recommandées (et à en conserver précieusement les accusés de réception) à tous ceux qui sont susceptibles de fournir des renseignements. La publication de sortes d' « avis de recherche » permet également d'invoquer, a posteriori , un embryon de bonne foi, qui ne pourra que minimiser le montant des dommages-intérêts. Il faut par ailleurs démontrer de préférence l'impossibilité de recourir à une autre image. Ce qui est plus facile pour le Yéti que pour un banal sapin enneigé. Toutes ces démarches n'ont de sens que si elles sont mises en œuvre bien avant la fabrication... La constitution de la fameuse « réserve » financière sous-jacente au « DR » reste un leurre, et ce d'autant plus qu'elle est souvent toute théorique, faute de trésorerie et de montant de référence à préserver. Bref, en matière de photographie, l’illusion hypnotique est, pour l’heure, de chaque côté de la barre.  

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