Ancien journaliste à L'Evénement du jeudi, officiant depuis de nombreuses années à Libération, Philippe Lançon s'avance enfin sous son propre nom. On rappellera que son premier roman, Je ne sais pas écrire et je suis un innocent, fut édité en 2004 chez Calmann-Lévy sous la signature de Gabriel Lindero.
Cuba n'est pas totalement absente des Îles, qui paraît cette fois chez Lattès. Le narrateur est un journaliste, un "insecte parisien" prénommé Philippe. Lequel peine à écrire, mais se sent mal quand il ne le fait pas. "Ce livre est un devoir de vacances. Les vacances ont été longues, plutôt ennuyeuses. Le résultat est un peu bâclé, comme quand j'étais enfant. Peut mieux faire, ne le fera pas", prévient-il dans le prologue à un texte incarné sur la solitude, l'amour et l'amitié, qui mélange savamment les impressions et les souvenirs.
Il faut se laisser bercer par le rythme de la prose, par les allers et retours entre les lieux et les époques. Lançon nous promène en Caroline du Nord, à Cuba, l'île "de la consolation", à Hongkong, l'île "de l'enchantement" et encore à Paris, où il finit toujours par rentrer. Son double nous présente en chemin plusieurs de ses amies. Deux sont des avocates quinquagénaires : Jad, qui préfère le vide au plein, et Ali, qui se décrit comme "une garce sans succès" et se montre hostile à toute forme de sociabilité ou de compromis.
Les îles - qualifié à un moment par son auteur d'"épouvantabledigression narcissique et tropicale" - tient du livre de voyage, du journal littéraire et de la confession. "Philippe" y parle aussi bien de Bruce Lee et de Steven Seagal, qui lui évoque curieusement Fromentin. De Dickens, Somerset Maugham et César Vallejo. De moralistes et de pamphlets. D'un camarade proustien, connu au temps de ses études de droit. Ou d'une enfance "ennuyeuse et ennuyée". Comme dans Et rester vivant de Jean-Philippe Blondel, on y croisera Jean Echenoz. Lançon, lui, s'offre même le luxe d'inventer au prix Goncourt 1999 un livre qu'il n'a jamais écrit !
