Elle est fortiche, Ségolène. Question communication, s’entend. De ce point de vue-là, c’est sûr, elle a une longueur d’avance sur ses concurrents, de droite et de gauche confondus. En témoigne l’histoire de son livre. Qui, quoi qu’on puisse juger ou penser du contenu, fait déjà figure d’événement éditorial. Résumons. Que fait tout candidat potentiel à une élection d’un peu d’importance ? Il publie un livre. La recette est ancienne, et montre au passage le poids symbolique qu’on attache toujours au livre dans notre culture. Un reportage photo dans Paris Match, c’est bien. Un passage chez Ardisson, c’est bien aussi. Mais un livre, c’est pas mal non plus : ça fait sérieux, ça vous pose son homme. Le problème, c’est que depuis des années, maintenant, le « livre programmatique », comme on dit, ne marche plus. Soit désaffection de nos concitoyens pour la politique (ça reste à prouver), soit (c’est plus probable), lassitude contre la langue de bois, ce type de livres ne se vend pas. Les éditeurs continuent pourtant de les publier. On ne sait jamais, si le candidat est élu… Au début de cette année, par exemple, les trois candidats à l’investiture de droite pour les municipales de 2008 à Paris (Pierre Lellouche, Claude Goasguen et Françoise de Panafieu) ont chacun publié un livre… qui se sont révélés autant d’échecs de librairie. Ségolène Royal, elle, s’y prend tout autrement. Son livre, elle le met progressivement en ligne, sur son site (désirsdavenir.org). Le premier chapitre, publié fin mars, a déjà été consulté (ou téléchargé en format PDF) par 90 000 personnes, nous a révélé l’un de ses collaborateurs. Le second chapitre, mis en ligne début juin, approche le même score. Et les internautes étant invités à réagir, le site a reçu près de 2500 contributions (en comptant celles qui n’ont pas été publiées parce que jugées moins intéressantes ou trop polémiques). Les autres chapitres sont attendus pendant l’été. La candidate (au moins à l’investiture de son parti) promet que certaines de ces contributions seront reprises dans la version finale du texte, qui connaîtra sa version papier en septembre (chez Flammarion). Habile. Très habile. On peut parier, sans trop se tromper, que l’édition papier sera un franc succès de librairie. La consultation en ligne ne l’aura pas cannibalisée, bien au contraire : nombre de militants auront sans doute à cœur de la posséder, car avec cette méthode, le livre de Ségolène Royal, ce sera aussi « nôtre livre », pour reprendre l’expression d’une militante gardoise, relevée sur l’un des forums des comités de soutiens régionaux. Et à ce public de convertis viendra s’ajouter celui qui n’aura pas consulté le texte sur Internet… Vouloir être moderne, c’est un travail permanent. Dominique Strauss-Kahn avait été l’un des tous premiers hommes politiques français (le premier, peut-être même ?…) à tenir son blog (le premier post date du 20 février 2004). On s’étonne donc qu’il n’ait pas su mieux l’utiliser pour l’élaboration et le lancement de son livre, 365 jours , paru le 23 mai dernier chez Grasset. Les internautes n’ont eu droit qu’à une « avant-première » publicitaire, le 22 mai, avec « en exclusivité » la possibilité de consulter quelques extraits. Bien chiche. Et mercantile. Résultat : l’ouvrage est apparu, c’est vrai, dans notre liste des meilleures ventes, mais le succès n’est pas franchement ébouriffant…