Près de quatre ans après une histoire humoristique de la littérature française dans Mes hommes de lettres (1), Catherine Meurisse est de retour avec une histoire croisée, tout aussi subjective et décalée, de la littérature et de la peinture. Le pont des arts a pour postulat la fascination réciproque des peintres et des écrivains. Les amitiés qu'ont entretenues plusieurs d'entre eux permettent à l'auteure d'égrener malicieusement mille anecdotes décapantes, relevées par un trait dont l'acidité rappelle celui du défunt Reiser.
On verra Diderot devenir un pionnier - contesté - de la critique d'art ; Baudelaire faire l'éloge de Delacroix qui, lui, crache, chez George Sand, sa bile contre Ingres ; Zola défendre les impressionnistes ; Proust développer des goûts artistiques éclectiques ou encore Apollinaire accusé à tort du vol de La Joconde. Catherine Meurisse établit d'audacieuses correspondances entre Jean Lorrain, Gustave Moreau et... André Breton. Elle s'intéresse aux pathologies ophtalmiques d'une ribambelle de peintres, d'El Greco et Rembrandt à Monet, Degas, Van Gogh, Picasso, Paul Klee ou Munch.
C'est d'ailleurs quand elle apporte à l'histoire de la peinture sa touche la plus personnelle que Catherine Meurisse se montre la plus convaincante. La dessinatrice revisite à sa manière des dizaines de toiles. Elle introduit la Cosette de Victor Hugo dans La Liberté guidant le peuple de Delacroix ; Théophile Gautier dans Le déjeuner sur l'herbe de Manet ; et un bas et un porte-jarretelles dans une toile de Poussin. Elle salue l'audace provocatrice de Courbet dans Un enterrement à Ornans ; ou détourne Le bain turc de... "ce cochon d'Ingres". Culotté.
(1) LH 740, du 27.6.2008.