19 octobre > essai France > Pascal Ory

Brexit, Donald Trump à la Maison-Blanche, Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, tout récemment l’AFD (Alternative für Deutschland, le parti d’extrême droite allemand) entré au parlement pour la première fois depuis la fin de la Deuxième Guerre... Sans oublier tous ces mouvements contestataires de par le monde occidental, pour ne parler que des démocraties libérales, dont la substantifique moelle programmatique se résume au mot d’ordre : Du balai ! et la philosophie générale : Place au peuple, au vrai !…. Y a-t-il en cette aube du XXIe siècle un Zeitgeist du populisme et de la radicalité ? Un génie de l’Histoire qui bat le pavé et brandit le poing en scandant/tweetant "à bas l’élite !"… Pas grave que les hérauts et les porte-voix de l’antisystème soient eux-mêmes issus de la classe économique dominante, tel le businessman milliardaire Trump, ou du "système" politique comme Marine Le Pen, fille de Jean-Marie, ou le leader de la France insoumise, élu sénateur à l’âge à 35 ans et tenant un bon record de mandats électifs dudit système… Le vent qui souffle n’est pas forcément celui du Logos, l’idée cède ici le pas à l’idéologie. Les coups de tonnerre populaires entendent faire vaciller l’establishment politique et la bourrasque révolutionnaire balayer toutes velléités de compromis.

"Le radical assimile le compromis à une compromission", rappelle Pascal Ory dans son percutant essai Peuple souverain : de la révolution populaire à la radicalité populiste. C’est pire quand la famille de pensée est censément proche, tels "les "sociaux-traîtres" du discours communiste en période de distinction forte d’avec les sociaux-démocrates". "Un hindou radical assassine Gandhi, un juif radical assassine Yitzhak Rabin, un radical nordique massacre soixante-dix-sept jeunes sociaux-démocrates norvégiens."

Mais qu’est-ce que le populisme au juste ? Pour y répondre, Pascal Ory lie, en prolégomènes de son livre, deux "fables" - l’une russe, l’autre américaine - qui se déroulent à quatre-vingt-dix-neuf ans d’intervalle : la révolution d’Octobre (novembre du calendrier occidental moderne) et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis en novembre 2016. Quel rapport entre populisme et radicalité ? L’un, explicitement structuré, est une idéologie, et l’autre, implicitement structurée, est une mythologie, mais les deux ont pour point commun de vouloir gouverner pour et par le "peuple". L’historien retrace ici une généalogie de la rupture et analyse le tropisme totalisant voire totalitaire du phénomène populiste (la liberté individuelle n’y est jamais véritablement pensée). Et se fait non sans esprit le Cassandre de notre postmodernité : "Il n’est nulle part écrit que l’instabilité soit contradictoire avec la masse puisque la déception et l’anxiété sont le point commun qui réunirait, à leur grand scandale, l’évangéliste trumpien du Nebraska, le chômeur Podemos de la Puerta del Sol et le fellah égyptien sympathisant des Frères musulmans." S. J. R.

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