Même s’il ne date pas d’hier (sa présence domestiquée est attestée dès 1400 avant notre ère), le chien est d’abord une idée reçue. L’idée qu’il serait de toute éternité le meilleur ami de l’homme. A bien y regarder (et à s’extraire à la contemplation amoureuse de son propre fidèle compagnon), c’est un peu plus compliqué que cela. C’est une histoire tout à la fois plus tortueuse et plus secrète que nous conte dans Le chien, histoire d’un objet de compagnie, Victoria Vanneau, historienne du droit et des institutions (à qui l’on doit déjà, avec Christophe Granger, le très stimulant texte Le vase de Soissons n’existe pas & autres vérités cruelles sur l’histoire de France, paru en octobre 2013 chez le même éditeur). Un objet de compagnie ? L’intitulé a de quoi surprendre, pourtant c’est là l’unique définition qu’ont bien voulu concéder au fil des siècles le législateur et le Code civil à nos amis les chiens. La dispute entre ceux qui en tiennent pour son "humanité" et ceux pour qui il ne serait plus qu’un bien mobilier est en effet séculaire. En la matière, la science et l’âme sont les armes des uns et des autres. Avec une rigueur et une "impartialité", qui ne dissimule nullement parfois une délicieuse et discrète ironie, Victoria Vanneau, s’appuyant pour l’essentiel sur la représentation du chien à travers les âges dans les arts et les lettres, fait brillamment le tour de la question. Et si l’on peut croire que l’Histoire est finie, alors ce sont nos amis à quatre pattes et leurs "maîtres" et "partenaires" bipèdes qui semblent l’avoir emporté. Désormais, le chien est au cœur de la cellule familiale, exposé comme les autres à son éventuelle désintégration. Le chien est triste comme un enfant de divorcés. C’est sa plus belle victoire.
O. M.