Lutter avec la nuit. Dans la mythologie grecque, Hypnos, le sommeil, et Thanatos, la mort, sont frères. Ils sont fils de Nyx, la nuit. Est-ce de peur de mourir que la famille de la narratrice de Nos insomnies de Clothilde Salelles ne dort pas ? Chez eux, on a du mal à dormir la nuit. C'est le secret de la fillette qui parle, ou plutôt de la femme qui recouvre la voix de celle qu'elle fut pour faire le récit d'une enfance en tranquille région parisienne avec papa maman et « les jumeaux », ses cadets. Dans la famille « Insomniaques », la figure paternelle demeure la plus mystérieuse. La mère, quant à elle, prend en charge le quotidien, toujours à s'affairer, accaparée par les petits, lesdits jumeaux. La narratrice, du haut de l'âge de raison qu'elle a à peine dépassé, observe le monde des grands en essayant de relier leur langage à ce qu'il est censé traduire. « Journédifici », « lotissement », « couloir aérien », « problèm'd'argent », des mots qu'elle entend quoiqu'ils ne rendent pas bien compte de « la tessiture du réel ».
Le père est quand même un héros, un de ces papas drôles qui se déguisent en Père Noël, racontent des blagues au volant sur la route des vacances, étrillent tout le monde aux cartes, ont des potes avec qui ils boivent des coups... Lui qui ne dormait pas la nuit, disparaissait le matin pour aller travailler et lisait le journal de retour à la maison, décide un jour de se construire une cabane pour être encore plus secret qu'il n'était. Pour trouver enfin le sommeil ?, s'interroge encore la narratrice qui brosse un doux portrait d'un père toujours présent malgré l'absence.
Nos insomnies
Gallimard
Tirage: 3500 ex.
Prix: 20,50 € ; 256 p.
ISBN: 9782073081551