Roman/Royaume-Uni 17 janvier Nikki Gemmell

Personne n'est préparé à la perte de ses parents, mais lorsqu'elle survient brusquement, le choc est d'autant plus violent. « Avez-vous déjà fait ce que vous redoutiez de faire, identifier un proche dans une morgue, sur cette fine table en acier ? » Comme entrée en matière, Nikki Gemmell fait très fort. Pas de place au doute, elle va bel et bien parler de la mort. Celle de sa mère - jamais nommée maman -, qui s'inscrit dans un vaste sujet, faisant toujours débat en France. « Une histoire moderne pour des temps modernes. Elayn Gemmell s'est euthanasiée. » D'une beauté hitchcockienne, cette femme habituellement si élégante, s'en est allée dans son salon à l'abandon. Elle, si esseulée dans sa souffrance, a opté pour le silence. Pas de révérence ni de mot d'adieux, juste une délivrance à coups de médicaments et de Baileys. Au-delà du sentiment de culpabilité, sa fille est dévastée. « Tellement de questions. A poser ici. Démêler le nœud du pourquoi et du comment. »

Des signes de détresse avaient été semés ici et là, mais ses proches semblaient noyés dans leur quotidien. « Aucun de nous n'était conscient du nœud coulant qui se resserrait autour de sa vie. » Et puis, qui désire vraiment voir la déchéance physique, la perte d'indépendance, la solitude et la douleur chronique, liée à une opération ratée ? Peu à peu, Elayn s'est renfermée dans l'agonie, face à laquelle la médecine paraît bien faible. « La douleur était son tyran. Elle venait sans cesse grignoter son équilibre », son tempérament et sa qualité de vie. L'âge ne faisait que renforcer cette aliénation. « Il n'y a aucune dignité dans la vieillesse, Nik. » Si ce n'est celle de partir librement. Nikki Gemmell rappelle que « le mot euthanasie, en grec, signifie "bonne mort". » Qui peut juger les limites d'un être humain ? Pourquoi la société ne lui accorde-t-elle pas ce choix, que ce soit en France ou en Australie, où évoluent les protagonistes de cette tragédie ? Un univers méconnu, que l'auteure approfondit grâce à des spécialistes ou des forums sur Internet.

Au-delà de ce combat, il y a une fille de 49 ans retrouvant la fragilité d'une enfant, souvent blessée par cette mère. « Parfois la famille n'est pas un cadeau, mais une épreuve d'endurance. » Comment se faire une place face à cette femme, peu encline à l'affection ? « Elayn voulait une fille parfaite. Belle, calme, brillante, malléable. Sa fille voulait une mère parfaite. Aimante, généreuse, compréhensive. » Or la réalité en est bien éloignée. Idem avec l'image de la maternité, à mille lieues des magazines féminins. Dans son best-seller, traduit en 22 langues, La mariée mise à nu (Au Diable vauvert, 2007), Nikki Gemmell s'amusait à disséquer le couple avec une acidité drolatique. Elle réitère, cette fois, avec ce texte magnifiquement remuant, nourri de vérités quant aux deuils qui nous font grandir. Ce récit, intimiste et politique, se veut un voyage intérieur pour éviter le naufrage. L'écrivain doit accepter qu'elle ne pourra qu'approcher, sur la pointe des pieds, « le mystère de [sa] mère et de sa mort ». Son projet : « faire renaître une femme par l'écriture. La faire revivre » et laisser une trace. La mort volontaire - synonyme d'ultime liberté - l'a emporté, mais « c'est l'amour qui nous survivra. Et c'est la seule chose à laquelle il nous faut nous raccrocher. Pour permettre à ceux qui restent de tourner la page, de panser leurs plaies. »

Nikki Gemmell
Après - Traduit de l’anglais par Gaëlle Rey
Au diable Vauvert
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 22 euros ; 352 p.
ISBN: 9791030702422

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