3 janvier > BD France > Hugues Micol

John Joel Glanton, dont Hugues Micol entreprend dans Scalp de retracer la "funèbre chevauchée", a émergé de nulle part et fini pas beaucoup plus loin. Mais au cours de sa courte vie, de sa naissance en 1819 en Caroline du Sud à sa mort, violente, le 23 avril 1850 aux confins de la Californie et de l’Arizona, il a incarné avec une singulière sauvagerie la face la plus sombre de la conquête de l’Ouest.

En 1835, alors qu’il n’a que 16 ans, au Texas où sa famille a emménagé, sa fiancée est enlevée, violée et tuée par des Apaches. Le jeune John s’engage très vite dans le soulèvement des "Texiens" pour conquérir leur indépendance face au Mexique. Entré dans le corps des "Texas Rangers", il participe dans la foulée à la guerre américano-mexicaine. Mais il y déploie une violence telle que, à la suite du meurtre gratuit d’un civil mexicain en 1847, l’armée préférera s’en débarrasser, faisant de lui un mercenaire et un chef de gang.

Après la guerre, en 1849, l’Etat du Chihuahua, au nord du Mexique, fait appel à John Glanton pour se protéger des Apaches. Le destin de l’homme comme le récit d’Hugues Micol basculent définitivement dans l’horreur. Glanton fait à nouveau preuve d’une si effrayante sauvagerie, massacrant des Indiens et des Mexicains paisibles pour récupérer un maximum de scalps, sur la base desquels il est rémunéré (200 dollars par scalp d’homme, 150 dollars pour les femmes et les enfants), qu’il est rapidement déclaré hors la loi. Il fuit avec sa bande pour l’Arizona où, s’appropriant, sur le fleuve Colorado, un bac appartenant aux Indiens Yumas, il continue de pratiquer le racket, le viol et le meurtre. Il rançonne et martyrise les Indiens comme les chercheurs d’or qui affluent vers la Californie, jusqu’à ce que les Yumas finissent par le tuer à son tour.

Dans un noir et blanc charbonneux qui fait parfois penser à Goya, sur des planches sans cases qui évoquent le style de Will Eisner, souvent spectaculaires, habitées par la mystique religieuse texano-mexicaine, Hugues Micol restitue cette équipée sauvage presque d’un seul mouvement. De ses origines chaotiques à son final toujours plus barbare, la trajectoire de John Glanton n’est plus qu’un torrent de sang et de boue, d’où ressortent les mêmes visages hallucinés des meurtriers et de leurs victimes. Elle exprime la face noire de la conquête de l’Ouest qui, des guerres d’indépendance aux guerres indiennes, de la lutte quotidienne pour la survie aux ruées vers l’or, déroule dans un monde sans foi ni loi, noyé dans l’alcool, son cortège de carnages.

Fabrice Piault

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