Nouvelles dans le domaine marchand, les offres d’abonnement à des collections de livres numériques sont déjà pratiquées depuis plusieurs années dans les bibliothèques françaises. Si les bibliothèques universitaires ont été pionnières en la matière, les établissements de lecture publique s’y mettent progressivement. Une enquête du ministère de la Culture publiée en mars dernier montre que 82 % des bibliothèques municipales des villes de plus de 70 000 habitants et 54 % des bibliothèques départementales de prêt proposent des ressources numériques, parmi lesquelles des ebooks. Opérationnel depuis début septembre dans quatre bibliothèques (Grenoble, Montpellier, Aulnay-sous-Bois et Levallois-Perret), le programme Prêt numérique en bibliothèque (PNB) donne une impulsion nouvelle au développement de l’offre de livres numériques dans les établissements de lecture publique.
La nouveauté de PNB est de proposer un point d’entrée unique (en théorie, Hachette ayant décidé de passer par la plateforme Biblioaccess de Numilog) aux catalogues d’ebooks proposés par les éditeurs aux bibliothèques. Jusque-là, celles-ci étaient contraintes de prendre des abonnements à chacun des dix fournisseurs sur ce marché. La force du PNB, même si des progrès restent à faire, est également d’avoir réussi à convaincre les grands éditeurs français, parmi lesquels les groupes La Martinière et Madrigall, d’ouvrir un peu plus leurs catalogues numériques aux bibliothèques, en particulier en ce qui concerne les nouveautés. Si le principe d’un embargo de six à douze mois demeure la règle, plusieurs éditeurs ont accepté de mettre dans leur offre des titres de la rentrée littéraire.
Le conseil en plus
L’arrivée d’opérateurs privés sur le créneau de l’abonnement d’ebooks pour les particuliers laisse les bibliothécaires français parfaitement sereins, contrairement à leurs homologues américains et britanniques. Dans son rapport sur le livre numérique en bibliothèque publié cet été, l’Ifla (International Federation of Library Associations) mentionne que "la tension entre des fournisseurs privés, dont la motivation est le profit, et les bibliothèques, dont la motivation est de donner un accès gratuit à l’information, va s’exacerber quand il apparaîtra que leurs offres sont les mêmes".
La position des professionnels est très différente en France : "Notre offre est meilleure, accessible pour 15 euros par an en moyenne, quand l’abonnement aux opérateurs privés est autour de 9 euros par mois, et nous proposons en plus de l’accompagnement et de la médiation, ce que n’apportera jamais Amazon", résume Lionel Dujol, secrétaire délégué au numérique à l’ABF (Association des bibliothécaires de France).
Reste que du côté des opérateurs privés, comme de celui des bibliothèques, catalogues et pratiques de lecture sont encore en construction. Au point de changer la donne entre les deux camps ? "Au Québec, il s’est vendu 2,5 millions de livres numériques en 2013 dont 25 % achetés par les bibliothèques, rappelle Lionel Dujol. Les bibliothèques ne sont pas des concurrentes des éditeurs mais des leviers du marché." Un point de vue partagé par Peter Brantley, directeur du numérique à la bibliothèque publique de New York, dans un billet publié sur le site de Publishers Weekly : "La collaboration entre les bibliothèques et les éditeurs permettrait de créer un marché de la lecture numérique indépendant qui libérerait lecteurs, éditeurs, auteurs de l’hégémonie d’Amazon." Editeurs et bibliothèques, même combat ? V. H.