Il est d'autres formes de concurrence entre maison d'édition et groupes de presse que l'arrivée de ceux-ci dans la production de livres destinés aux librairies. Le 28 mars dernier, le Tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement dans un litige mettant aux prises Univers Poche et le Figaro pour contrefaçon de la marque « Pocket ». L'éditeur de livres se plaignait que soit lancé un nouveau magazine intitulé Madame Figaro Pocket. Les juges ont accepté la déchéance de la marque pour les lecteurs de l'édition de journaux et de revues, arguée en défense par le Figaro . Univers poche n'a en effet réussi à produire que de maigrelets Cahiers Pocket , insuffisants à justifier d'un usage sérieux dans le secteur de la presse. Un autre danger guettait la marque Pocket : la descriptivité, prohibant par exemple le dépôt du terme « pain » pour la vente de ... pain. Univers poche ne semble pas avoir été inquiétée sur ce terrain. Rappelons que, en 1997, la Cour d'appel de Paris a considéré que Les Usuels de poche est une contrefaçon de la marque « Les Usuels ». Mais, en 1993, le Tribunal de grande instance de Paris a estimé que la marque « L'essentiel » était trop descriptive pour mériter une protection. Elle a donc été annulée au grand dam de son déposant, qui en arguait contre un concurrent publiant un Dictionnaire de l'essentiel. En revanche, Les magistrats ont, cette année, estimé que les signes présentent des différences visuelles, phonétiques et conceptuelles nettes. Et que les titulaires de la marque Pocket, fût-elle «  notoire  » «  ne peuvent interdire ce mot dans son sens usuel  ». De même, ils ont rejeté la demande de «  dégénérescence  ». Univers poche l'a échappé belle. Car les marques ont peur de ce que les spécialistes appellent la « dégénérescence ». Rendre une marque générique, c'est en effet la faire rentrer dans le vocabulaire courant, à un point tel que son titulaire perd tout droit sur cette dénomination. Le syndrome Pédalo/Frigidaire n'est jamais loin ; et les marques ont d'ailleurs la gâchette de plus en plus facile contre l'emprise de la vie quotidienne sur leur notoriété. Le Tribunal de grande instance de Paris, en 1980, a condamné avec retentissement un romancier dont le héros utilisait un « bic » au lieu d'un « Bic »... Un tel type de contentieux illustre le paradoxe des marques, qui cherchent de plus en plus à envahir l'univers visuel et sonore, mais recourent sans cesse à la justice.
15.10 2013

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