Avec la Pyrénéenne Violaine Bérot, il faut toujours s’attendre à partir en expédition sur des sentiers sauvages du cœur humain. Après l’ambiguïté de l’instinct maternel dans Des mots jamais dits (Buchet-Chastel, 2015), puis la soumission amoureuse dans Nue, sous la lune (2017), elle sonde avec Tombée des nues le déni de grossesse. Ce roman choral raconte un événement traumatique qui survient un 29 février dans une ferme isolée près d’un village de montagne : la naissance inimaginable d’un enfant et le choc pour la mère, une éleveuse de chèvres de 42 ans qui ne se savait pas enceinte, et pour le père qui ne s’était rendu compte de rien.

La romancière propose deux itinéraires : une lecture chronologique de l’histoire, ou une sorte de parcours balisé où l’on passe d’un paragraphe numéroté à un autre en sautant des pages, pour suivre les récits entrelacés de chacun des six protagonistes. Nous avons choisi la deuxième option où les témoins prennent successivement la parole pour donner leur version. Ainsi les voix s’enchaînent, des plus extérieures - Mme Peyre, institutrice à la retraite et femme du maire, la première à intervenir - aux plus proches - la sage-femme de garde à l’hôpital, la nuit de la naissance, puis Dédé, le voisin paysan appelé à l’aide après l’accouchement, Tony, le copain du couple qui organise la solidarité villageoise, la grand-mère maternelle de l’enfant, le père, Baptiste. Et enfin, Marion, la mère du bébé, en état de sidération. L’incrédulité, l’hébétude, l’indignation, la compassion, la colère, le dégoût, l’attachement. Sans que jamais le procédé ne paraisse artificiel, Violaine Bérot fait résonner en écho une gamme des émotions qui s’abattent sur les acteurs du drame.

Installée dans la montagne ariégeoise où elle élève elle aussi des chèvres, la romancière n’écrit pas des récits directement autobiographiques, mais Tombée des nues, tout en profondeur et en sombres nuances, est nourri de sa connaissance familière du monde, bêtes et gens, qu’elle met en scène. Véronique Rossignol