Avant-critique Roman graphique

Alessandro Tota, "L'illusion magnifique. Vol. 1. New York, 1938" (Gallimard)

Alessandro Tota, "L'illusion magnifique. Vol. 1. New York, 1938" (Gallimard)

Avec L'illusion magnifique, l'auteur italien Alessandro Tota plonge une jeune héroïne décidée dans l'univers bourgeonnant et déjà bouillonnant des comics à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

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Par Anne-Claire Norot
Créé le 17.10.2023 à 14h00

New York stories. Au Kansas, en 1938, Diana ne supporte plus sa vie étriquée entre sa mère et ses frères et sœurs dont elle doit s'occuper. À l'inverse de la Dorothy du Magicien d'Oz qui se languit de son État natal, Diana veut le fuir. Son truc pour s'évader, ce sont les pulps et les polars. Pour réaliser son rêve de devenir écrivaine, elle ne voit qu'une solution, aller à New York. Mais que faire dans cette ville immense quand on est seule et sans expérience ? Par chance, Diana, qui a changé son nom en Roberta, est recueillie à son arrivée par Agnès, une bonne âme militante qui travaille dans un journal communiste et l'initie aux combats du prolétariat. En attendant de trouver du travail, Roberta donne un coup de main à la rédaction. Et durant son temps libre, invente des histoires tout en soupirant sans espoir devant la belle Fanny. Sa rencontre avec Frank, un Italien grande gueule, dragueur et fricotant avec la mafia, mais surtout dessinateur de comics, va changer la vie de cette demoiselle décidée.

Jeunes gens en marge, préoccupations sociales et littérature sont des motifs fréquents de l'œuvre de l'Italien Alessandro Tota, notamment chroniqueur d'une certaine jeunesse désœuvrée (Fratelli, Charles, Un été, Cornélius, 2011, 2018, 2021). Ces éléments sont à nouveau réunis dans L'illusion magnifique, véritable fresque qui mêle le récit initiatique à l'aventure des débuts des comics et à l'histoire du XXe siècle. Jouant astucieusement sur le fond comme sur la forme, Tota fait le choix original de laisser les héros inventés par Roberta et Frank − le cynique Ghost Writer, la cruelle Infarcta et le superhéros Dogman − raconter la première partie de l'album, offrant d'emblée à L'illusion magnifique le dynamisme des comics de l'âge d'or. Le dessin, élastique, tramé, s'en inspire d'ailleurs, avant de laisser place à une ligne claire d'une belle lisibilité. Pour donner du corps au contexte (le communisme, la position des États-Unis face à la guerre, l'invention de la BD et de son industrie...), Alessandro Tota incorpore habilement à son récit des personnages réels comme les auteurs Will Eisner et Bob Kane, ou le photographe Weegee. Roberta et Frank se révèlent quant à eux complexes, ni bons, ni mauvais, humains. Inventif, ambitieux, L'illusion magnifique est, au-delà d'un hommage à la bande dessinée, une ode à la lecture, à l'écriture, et à l'imagination.

Alessandro Tota
L'illusion magnifique. Vol. 1. New York, 1938 Traduit de l'italien par Marc Lesage
Gallimard
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 29,90 € ; 248 p.
ISBN: 9782075116695

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