Avant-portrait/Rentrée littéraire

 
Il n’est pas du matin, Alain Defossé. L’écrivain et traducteur donne rendez-vous à 17 h. Quand on le retrouve à l’heure dite, il explique ne jamais se coucher avant 3 ou 4 h du matin, ne pas se lever avant 12 h 30. Défendu par sa jeune éditrice de Fayard, Stéphanie Polack, Effraction est le saisissant portrait d’une femme de bientôt 70 ans. Celle-ci vit depuis quarante-deux ans au même endroit. Au premier étage sur cour d’un immeuble du 19e arrondissement de Paris. De son héroïne, Anne Rivière, Defossé raconte qu’il s’agit d’une "femme qui s’est oubliée". Et qu’il écrit toujours "sur les fantômes".
 
Sans jamais lever le pied
 
En sirotant un Coca et en vapotant, l’auteur de Mes inconnues (Phébus, 2011) revient sur son parcours. Explique être né à Nantes, dans un milieu modeste. Bac en poche, il monte à Paris. Fait du théâtre au Cours Florent. Son premier choc littéraire est L’affamée de Violette Leduc, "pris au hasard sur un tourniquet". A la fin du livre, se rappelle-t-il, il n’était plus "le même bonhomme". L’envie de prendre la plume ne le quitte plus. Un ami éditeur, John Gelder, le pousse alors à se lancer.
Lui qui a appris l’anglais à l’école prétend avoir capté la langue "par porosité". Au début des années 1990, il chante du jazz dans un petit groupe, reprend des morceaux de Billie Holiday ou de Chris Connor. Pour Albin Michel, il traduit d’abord Crazy cock d’Henry Miller. Chez Mimi Perrin, membre des Double Six, il fait la connaissance de Gérard-Julien Salvy. L’éditeur élégant et audacieux va ensuite publier son premier roman, Les fourmis d’Anvers (Salvy, 1991, repris dans la collection "Motifs" du Rocher), et lui confier la traduction d’American psycho de Bret Easton Ellis. Un travail à la fois "jouissif et fastidieux".
 

Depuis, Alain Defossé n’a jamais levé le pied. Il a traduit vaillamment trois romans par an. Comme Peste de Chuck Palahniuk (Denoël, 2008, repris chez Folio SF), Ronde de nuit de Sarah Waters (Denoël, 2006, repris en 10/18), qu’il tient pour "un chef-d’œuvre de la littérature populaire", ou La piscine-bibliothèque d’Alan Hollinghurst (Albin Michel). Quand il a "le temps et l’énergie", Defossé écrit pour lui. Directement à l’ordinateur, en tapant avec deux doigts. Des moments volés. Jamais plus d’une heure d’affilée. On garde encore en mémoire la puissance d’On ne tue pas les gens (Flammarion). Un volume "à la limite de l’autofiction" où il relate un terrible fait divers, dont il avait été l’un des témoins, et dont il ne supportait pas "la version officielle des choses".
 
Son prochain livre à paraître pourrait être Suscinio. Un manuscrit où il parle à la fois d’une "histoire d’amour refusée", d’une "enfance à la mer" et d’une "maladie". A moins que cela ne soit un texte ambitieux, où un personnage entame la biographie d’Alain Defossé, lequel Defossé se lance, de son côté, dans le portrait d’une actrice hollywoodienne. On patientera en découvrant sa traduction du nouveau roman de Nicola Barker pour Jacqueline Chambon.
Alexandre Fillon

 

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