Entretien

Pascal Vandenberghe, retour à l’indépendance

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Pascal Vandenberghe, retour à l’indépendance

Alors qu’il vient d’annoncer l’ouverture d’un magasin de 1 800 m2 au centre de Genève, Pascal Vandenberghe explique quelles sont ses priorités pour l’enseigne suisse Payot qu’il a rachetée au printemps.

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Par Clarisse Normand
Créé le 05.09.2014 à 02h32 ,
Mis à jour le 05.09.2014 à 10h14

Pascal Vandenberghe - Lagardère Services, à qui elle appartenait, voulait s’en séparer. Par ailleurs, contrairement à ce que beaucoup pensent aujourd’hui, je crois à l’avenir des librairies pour peu qu’elles répondent aux attentes des clients. Si je n’avais pas moi-même racheté Payot, la Fnac l’aurait fait. Ce n’est pas l’avenir que je voyais pour l’entreprise.

C’est vrai, les années 2011 et 2012 ont été difficiles avec la baisse de l’euro et les débats sur le projet de loi visant à instaurer un prix unique du livre en Suisse. Le livre a alors cristallisé la problématique de cherté des produits d’importation. Mais après la votation, qui s’est soldée par l’échec de la loi devant le peuple, la tension est retombée. De toute façon, Payot est bien armé pour faire oublier la question du prix et, plus généralement, séduire les lecteurs. C’est une enseigne qui a su trouver le bon équilibre entre tradition et modernité et qui peut aujourd’hui faire valoir de nombreux atouts : l’offre de ses magasins, les services qui y sont proposés et les valeurs qui y sont défendues, la compétence de ses équipes et, depuis peu, son retour dans le giron suisse. Si j’en juge par les réactions, ce retour à l’indépendance va renforcer l’attachement à l’enseigne.

Les deux offres étaient financièrement équivalentes mais les négociations sur les garanties pour établir le contrat de vente étaient plus simples avec moi puisque je connaissais l’entreprise. En outre, il était plus honorable de la céder à son management… D’autant que je crois y avoir fait mes preuves depuis dix ans. C’est un gage de pérennité.

Le prix est confidentiel. Je ne commenterai pas.

Sachant que je n’ai pas de fortune personnelle, j’ai dû convaincre des partenaires. Je dois saluer l’engagement de Vera Michalski, P-DG du groupe Libella. C’est elle qui m’a permis d’acquérir 75 % de Payot SA. Toutefois, pour éviter tout mélange de genres avec ses activités d’édition (1), elle a agi de manière indirecte en jouant en quelque sorte un rôle de banque privée. Au lieu d’acheter elle-même des parts de l’entreprise, elle m’a prêté les capitaux nécessaires via une société fondée pour l’occasion, Kairos Holding, dont je suis l’actionnaire à 100 %. Mon deuxième partenaire, à hauteur de 20 % du capital, est Mercator, la holding de François Lemarchand, le créateur de Nature & découvertes, avec lequel je suis déjà en affaires puisque Payot détient la franchise de son enseigne pour la Suisse. Enfin, le troisième actionnaire, pour 5 %, est un industriel vaudois, Jean-Marc Probst.

Au contraire ! Les conditions en ont été fixées de manière à ne pas peser sur le développement de l’entreprise. Le taux d’intérêt est très bas et les premiers remboursements du prêt se feront en fonction de nos possibilités. Les nouveaux actionnaires, vous l’avez compris, ne sont pas là pour l’argent. Mais surtout, dans la mesure où c’est Kairos Holding qui porte l’endettement, et non pas Payot SA, la capacité de financement et donc d’investissement de l’entreprise reste intacte.

Nous devons d’une part reconstituer les fonds propres de la société, mis à mal par la cession, et d’autre part mener à bien l’ouverture prévue pour mars d’un magasin de 1 800 m2 dans le centre de Genève (1). Ce point de vente, qui accueillera, sur quatre niveaux, une librairie de 1 500 m2, une boutique Nature & découvertes de 250 m2 et un café de 50 m2, remplacera avantageusement deux points de vente, de plus petite taille, que nous avons actuellement sur les deux rives de la ville. L’avenir est aux grandes librairies pour peu qu’elles restent humaines. Par ces opérations, Payot boucle son repositionnement à Genève avec, sur la rive gauche, le futur grand magasin, et, sur la rive droite, celui récemment ouvert dans la gare Cornavin.

Nous n’avons aucune urgence mais nous avons déjà des idées. Le premier axe de réflexion concerne le développement de boutiques Nature & découvertes en Suisse romande bien sûr, où nous en avons déjà quatre, mais surtout en Suisse alémanique. Le second axe porte sur le développement de petites librairies de proximité avec, pour ces dernières uniquement, une centralisation des achats.

Payot vend déjà du numérique. Mais en Suisse, comme en France, c’est un tout petit marché. En France, on explique souvent cela par des questions de prix, le différentiel avec le papier n’étant pas assez attractif. En Suisse, il est proche de 50 % ! Et ça ne décolle pas plus. Il y a donc des freins plus importants, à commencer par l’insuffisance de l’offre. A mon avis, l’avenir du numérique est dans les œuvres orphelines. Quand nous pourrons proposer à nos clients de les leur procurer via une version numérique, nous leur offrirons un vrai service supplémentaire.

Payot a adapté ses structures de coûts aux difficultés du marché du livre. Nous avons réalisé près de 2 millions d’euros d’économies entre 2011 et 2012. Toutefois, la baisse des coûts ne peut pas être une stratégie. Au-delà d’un certain seuil, le service en pâtit. Aujourd’hui, Payot est assaini et doit pouvoir pleinement profiter du redémarrage de son activité amorcé l’an dernier avec une hausse de 1,5 % de son chiffre d’affaires et une tendance identique cette année. D’ailleurs, au-delà de ce qui relève de nos efforts, nous sentons que le climat est plus favorable à la librairie : les clients sont moins focalisés sur les prix et ils ont envie de nous soutenir face à Amazon.

(1) Voir aussi "Payot va ouvrir un magasin de 1 800 m2 à Genève" sur livreshebdo.fr.


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