Changement d’époque et de décor pour Caroline Lunoir : La faute de goût (Actes Sud, 2011) installait un huis clos familial et estival dans une maison de vacances bourgeoise du Sud-Ouest ; Au temps pour nous, le deuxième roman de cette avocate pénaliste de 34 ans, suit le quotidien d’un groupe de maquisards pendant l’un des derniers hivers de la Seconde Guerre mondiale. A première vue, peu de choses en commun, sinon la forme, une chronique attentive, et l’observation d’une communauté agrégeant des membres disparates qui font corps.

Le roman s’ouvre sur deux très courtes et saisissantes scènes intitulées "Exécution I" et "Exécution II", qui prendront leur sens rétrospectivement. Dans un maquis transposé : "région de montagne et de forêts, peu peuplée, parsemée de fermes isolées", description à laquelle pourraient correspondre de nombreux lieux de la Résistance dans le sud du Massif central, un camp de "l’armée de Libération " est sous le commandement de deux officiers arrivés là après la débâcle, qui ont servi dans le même régiment. Sous leurs ordres, les combattants forment un groupe hétérogène de guerriers de l’ombre, de soldats improvisés, et se côtoient le fils du directeur des impôts, un aumônier, un marin poète, des paysans de la vallée…, des hommes unis par la lutte et par la dureté de la vie dans la clandestinité, et visités régulièrement par la très jeune femme d’un bourg de la vallée qui fait l’agent de liaison.

Sous la discipline militaire, l’ennui, et le danger et l’excitation de l’action, des conflits affleurent. L’arrivée d’un médecin, rescapé d’une rafle et qui ne veut pas prendre les armes, et l’opportunité d’une opération en coordination avec d’autres groupes font naître des tensions, tandis que d’anciennes rivalités plus intimes surgissent de cette cohabitation de circonstance, ébranlant la confiance entre les hommes, les "abandonnant à leur conscience ", à la relativité de l’innocence et de la culpabilité. Véronique Rossignol