18 OCTOBRE ET 12 NOVEMBRE - LITTÉRATURE France

Dans la belle préface qu'il donne au tome V - et dernier - des ?uvres romanesques complètes d'Aragon (1897-1982) en "Pléiade", Jean Ristat, le fils spirituel d'un écrivain qu'il définit comme un "homme écrit", "demande simplement qu'on lise Aragon". Sans doute parce qu'il a l'impression que l'homme public, le communiste, les polémiques, ont fait de l'ombre à une oeuvre foisonnante, complexe, ramifiée, qui appelle à une redécouverte. Ses romans, surtout, qui n'en sont pas forcément, au sens commun du terme. "Le roman, comme je le comprends, n'est que secondairement un récit", déclarait Aragon à Dominique Arban, venue l'interviewer longuement au printemps 1968.

Le volume de la "Pléiade", lui, court de 1965, avec La mise à mort, jusqu'à Théâtre-roman, paru en 1974. Le dernier vrai grand livre d'Aragon, puisque Le mentir-vrai, recueil de nouvelles sorti en 1980, rassemblait des textes antérieurs que le «pléiadiseur», Daniel Bougnoux, a choisi de ventiler dans les cinq tomes des ?uvres romanesques, selon leur date originelle de publication. On y sent la formidable vitalité littéraire de l'écrivain, en dépit de l'âge et des drames qu'il a vécus : la mort, en 1970, de la femme de sa vie, Elsa Triolet, à propos de qui Jean Ristat balaye quelques calomnies, ou encore l'arrêt de la publication des Lettres françaises par le PCF. Officiellement pour raisons d'économies, plus sûrement à cause de divergences politiques avec son directeur, Aragon, qui avait nettement condamné l'écrasement du "printemps de Prague", à l'été 1968, par les chars du "pacte de Varsovie".

"Aragon, note Bougnoux dans l'essai subtil et synthétique qu'il lui consacre en parallèle, est d'abord un auteur critique. Il écrit pour s'expliquer ce monde, non pour s'en évader. » Même si, dans sa jeunesse, il s'est laissé séduire par des aventures imaginaires et formelles éloignées, en apparence, de ses préoccupations. On ne se souvient pas forcément qu'en 1929 Louis Aragon avait traduit La chasse au Snark de Lewis Carroll, qui le fascinait, jusque dans son nonsense. Cette traduction inspirée reparaît aujourd'hui, devenue roman graphique grâce à la plume du dessinateur Mahendra Singh, un fan de Lewis Carroll, qu'il imagine "dans une camisole surréaliste avec des boutons de manchette assortis dada". L'aventure, à n'en pas douter, aurait réjoui Aragon. Elle le rajeunit, trente ans après sa mort. Pour un tel écrivain, ni fleurs ni couronnes. Simplement, qu'on le lise.


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