Avant-portrait : rentrée littéraire

Anne Dufourmantelle : cure de littérature

Anne Dufourmantelle - Photo Roberto Frankenberg

Anne Dufourmantelle : cure de littérature

La psychanalyste Anne Dufourmantelle signe son premier roman. Un thriller psychanalytique où l’enquête se double d’une quête de soi.

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Par Sean James Rose
Créé le 19.06.2015 à 02h03 ,
Mis à jour le 19.06.2015 à 12h00

Un architecte d’origine russe se rend à une fête branchée dans une ancienne imprimerie désaffectée de Brooklyn Heights, à New York. Parmi la foule il voit une femme avec un K-Way à bandes fluorescentes noué à la taille qui lui fait l’effet d’"une apparition". "Elle est isolée, presque en creux parmi les corps qui dansent", se souviendra-t-il. Revenant sur les lieux de la soirée qu’il vient de quitter, il observe un attroupement au pied de l’immeuble. Il y a la police, du sang au sol, quelqu’un est tombé. Suicide ou accident ? Il s’agit de la femme au K-Way. Ainsi commence L’envers du feu : par une chute.

"Bourgeois de gauche"

Le roman d’Anne Dufourmantelle est l’histoire de l’obsession d’un homme hanté par le regard d’une femme, sa propre énigmatique histoire s’enchevêtrant dans les fils épars du destin de l’inconnue pour composer l’écheveau d’un formidable thriller psychanalytique. L’enquête se double d’une quête des origines. Ce sont les séances du "patient russe" qui composent le livre. La première fiction de la philosophe devenue psychanalyste reflète tout à fait l’atmosphère cosmopolite et éclairée dans laquelle cette "honnête femme" a évolué. Il convient ici de féminiser l’expression de Montaigne afin de rendre toute la curiosité d’une humaniste qui se nourrit aussi bien de Winnicott et de l’école anglaise de psychanalyse que d’art contemporain ou de musique ancienne.

Anne Dufourmantelle est née à Paris en 1964 et a grandi dans un milieu de "bourgeois de gauche". Son père, un homme d’affaires helvético-écossais, fréquente assidûment le cercle d’Ivan Illich, le radical penseur de l’écologie politique, et accueille chez lui les intellectuels chiliens fuyant la dictature. Sa mère est une psychanalyste jungienne. "J’ai été élevée dans plusieurs langues : l’anglais, l’espagnol, ma langue de cœur", explique Anne Dufourmantelle, dont la nounou, Consuelo, a été "[sa] seconde mère"

Auteure de nombreux ouvrages de réflexion (dont une conversation avec Jacques Derrida, De l’hospitalité, Calmann-Lévy, 1997) et longtemps directrice de la collection "L’autre pensée", chez Stock, elle a littéralement transformé l’essai en roman. Pourquoi ? Parce qu’elle est avant tout une littéraire : "Mon inspiration principale dans la cure, c’est la littérature, Mrs Dalloway m’a plus aidée que Psychopathologie de la vie quotidienne de Freud." Parce que les mots ne tombent pas dans le vide, tel le personnage de son roman, et comme le prétendait sa meilleure amie à l’école, devenue schizophrène. Parce que les mots nous aident à briser le fatalisme de la répétition et à prendre le risque de s’ouvrir aux autres et au monde.

Sean J. Rose

 

Anne Dufourmantelle, L’envers du feu, Albin Michel, Prix : 20,90 euros, 352 p., sortie : 19 août, ISBN : 978-2-226-31807-7


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